Idée reçue : baisser le coût salarial pour améliorer la compétitivité

Le gouvernement a annoncé une baisse de 20 milliards d’euros des cotisations patronales sur les salaires compris entre 1 et 2,5 fois le SMIC pour « relancer le moteur de l’économie française ». Une baisse de 20 milliards semble conséquente mais qu’est-ce que cela représente en regard de l’ensemble des salaires versés en France ?

D’après l’INSEE les français ont déclaré des revenus imposables pour un montant de 830 milliards d’euros en 2009. En 2010, 63,5% des revenus étaient des revenus salariaux. Retenons la même base. D’après un document du Trésor, il faut ajouter à cela 14% du PIB en cotisations patronales (environ 280 milliards d’euros) et 6% en cotisations salariales (environ 120 milliards d’euros). Les entreprises et l’administration versent donc, en France, environ 900 milliards d’euros de salaires, en prenant en compte les cotisations sociales.

Alors que changent les 20 milliards promis par Ayrault dans cette addition-là ? Il s’agit d’une baisse d’environ 2%. Il n’est pas clair dans la déclaration d’Ayrault si l’État profitera lui-même de cette baisse des cotisations patronales. Supposons que non et la baisse ne se fera ressentir que sur les entreprises privées qui représentent environ les 2/3 des salaires versés (d’après le document du Trésor déjà cité). Ces 20 milliards de cadeaux représentent alors une baisse d’environ 3% des coûts salariaux pour l’ensemble des entreprises privées. Faramineux, non ?

Mais nous oublions quelque chose. Les entreprises ne font pas uniquement face à des coûts salariaux. Par exemple dans l’industrie automobile, les salaires ne représentent que 10% des coûts totaux. Et alors une baisse de 3% des coûts salariaux ne provoquerait qu’une baisse de 0,3%  des coûts totaux. Tremble, compétitivité chinoise !

De manière plus générale, les données de l’INSEE nous apprennent que les salaires représentent environ 24% des coûts totaux1 (toutes catégories confondues). Dans l’industrie, cette proportion est de 18%. Dans ce secteur les dépenses de salaires, cotisations sociales inclues, se montent à 167 milliards d’euros alors que l’ensemble des coûts des industries représentent 950 milliards d’euros. À supposer que le gouvernement cible les 20 milliards d’euros d’aide uniquement sur l’industrie, cela lui permettrait d’afficher une baisse de 2% de ses coûts. Mais comme l’aide concerne toutes les entreprises, la baisse des coûts est alors de 0,7%. Ridicule.

L’idée de vouloir réduire les coûts salariaux pour améliorer notre compétitivité est de toute façon stupide. En premier lieu parce qu’ils ne sont très différents de nos voisins (en comparaison directe ou en prenant en compte la productivité). En deuxième lieu, car baisser significativement nos coûts salariaux nous amènerait dans une course sans fin où tous les pays joueraient à la baisse. À ce titre les baisses de salaires en Grèce, en Espagne, au Portugal ou en Irlande sont inquiétantes car elles participent et risquent de nous emporter dans cette course. Enfin il n’y a pas d’illusion à se faire, nous ne concurrencerons jamais les coûts scandaleusement bas des pays d’Asie, par exemple, et leurs conditions de travail déplorables.

  1. coûts incluant les salaires et aussi les achats de matières premières et autres approvisionnements, les autres achats et charges externes, les autres charges d’exploitation, les impôts taxes et versements assimilés, les charges financières, les charges exceptionnelles, les impôts sur les bénéfices []

2 comments for “Idée reçue : baisser le coût salarial pour améliorer la compétitivité

  1. 02/12/2013 at 10:18

    En effet, pour avoir un réél impact que ce soit au niveau de l’entreprise ou du pouvoir d’achat des salairés (le salaire net net après impôt et charges sociales) il serait nécessaire d’avoir une baisse bien plus importante. 100€ net de salaire avant impots coûte en moyenne 190€ à une entreprise (hors congés,et coût indirect. Source http://www.salaire-net.fr/calculez-votre-salaire ) compliqué dès lors d’augmenter les salaires quand les marges de l’entreprise sont déjà faible.

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