L’obsolescence programmée, dont le concept a été introduit en 1960 par Vance Packard, peut être divisée en trois catégories: l’obsolescence de fonctionnalité, de qualité et de désirabilité. La première concerne les produits qui deviennent dépassés dès lors qu’un nouveau produit remplit les mêmes fonctions mais de manière plus satisfaisante. La deuxième correspond aux produits qui présentent assez rapidement des défauts fatals. La troisième catégorie représente les produits dont le fonctionnement est toujours satisfaisant mais dont le style est devenu démodé.
L’obsolescence programmée peut être défendue par certains arguant que les innovations technologiques étant si rapides, il n’est pas nécessaire d’avoir des produits durant longtemps: ils seront de toute façon rapidement dépassés. D’autres pensent que l’obsolescence programmée permet aux clients de « punir » plus rapidement une marque dont on ne serait pas satisfait de la qualité.
À la première objection, il est possible de répondre qu’on est rarement informé, avant d’acheter, que le produit ne va pas durer longtemps. Pourquoi serions-nous obligés de suivre les pseudo innovations technologiques ? On verra un peu plus loin qu’on peut légitimement se demander si les innovations technologiques ne sont pas volontairement introduites au compte gouttes afin de multiplier les versions d’un même produit.
À la seconde objection, on peut répondre qu’il est difficile, devant un certain nombre de produits à des coûts similaires d’anticiper lequel aura la meilleure qualité. Il est aussi important de ne pas oublier que les produits à bas coûts sont créés avec des salariés à bas coûts qui n’ont pas d’autres choix que de consommer des produits peu chers, et donc de piètre qualité. Le consommateur a-t-il vraiment le choix dès lors que son budget est fortement contraint?
Une étude de 2004 au Royaume-Uni sur 802 foyers montre que la plupart des produits n’ont pas été jetés parce qu’ils ne pouvaient pas être réparés mais parce qu’ils n’étaient plus utilisés ou nécessitaient une réparation. La majorité de l’obsolescence ne serait donc pas de l’obsolescence de qualité. De plus les personnes achetant les produits de meilleure qualité n’avaient généralement pas plus d’attente concernant la durée de vie des produits que les autres personnes mais ces personnes provenaient généralement d’une classe socio-économique plus aisée que la moyenne. Autrement dit, ce qui motive l’achat d’un appareil de qualité n’est pas sa plus longue durée de vie potentielle. Dans une autre étude, il apparaît que les critères utilisés pour le choix d’un téléviseur sont d’abord la qualité de l’image, le nom de la marque, le prix et la taille de l’image, puis la garantie. Ces enquêtes sont déclaratives, c’est-à-dire que les personnes ont été invitées à donner leur opinion sur les produits et sur leur renouvellement. Ce genre d’enquêtes ne reflète pas nécessairement la réalité, en raison des biais cognitifs dont nous pouvons être victimes à notre insu. En particulier, dans cette situation, l’évitement de la dissonance cognitive a pu jouer un rôle. Par exemple : « Non je n’ai pas changé d’appareil parce que je me suis fait avoir avec le précédent, qui n’était pas de bonne qualité, mais parce qu’il ne me convenait plus ». En cela les publicités nous « aident » à trouver des arguments pour justifier le rachat d’un produit.
Niva et Timonen montrent que les consommateurs manquent d’informations concernant les conséquences environnementales de leurs achats et qu’ils considèrent que ce sont aux entreprises de prendre les dispositions nécessaires pour produire sans nuire à l’environnement.
Une étude sur le renouvellement des manuels scolaires montre que les éditeurs ont plus facilement tendance (toutes choses égales par ailleurs) à sortir une nouvelle édition lorsqu’un grand nombre de manuels « usés » est en circulation. Cela laisse donc penser que l’obsolescence programmée joue un rôle.
Concernant les produits électroniques, un reportage d’Envoyé spécial a également mis en évidence l’obsolescence programmée. Les appareils ne sont généralement pas facilement réparables, nécessitant l’achat d’un appareil neuf. Cela fait bien évidemment l’affaire des grands groupes vendant ces appareils mais pas celui des petits artisans chargés des réparations ni celui de l’état des ressources naturelles de la planète.
Le reportage montre également la propension des techniciens de service après vente (venant de grands magasins d’électroménagers) à déclarer la machine comme irréparable ou à proposer des réparations très coûteuses pour encourager le client à acheter un nouvel appareil. Pourquoi les réparateurs sont-ils si prompts à vouloir mettre des appareils à la casse ? En raison de leur système de rémunération: un salaire fixe faible, et une part variable faite de primes dépendant du nombre d’interventions. Évidemment l’intérêt du technicien dans ce cas n’est pas de passer du temps chez le client pour trouver l’origine d’une panne mais d’expédier le plus rapidement possible son intervention.
Par ailleurs les réparateurs ne sont pas nécessairement formés ou ne possèdent pas les équipements adéquats pour assurer les réparations des appareils aux composants électroniques de plus en plus évolués. Pourquoi se former ou acheter du matériel coûteux alors qu’annoncer à un client qu’il faut acheter un nouvel appareil est bien plus lucratif ?
Enfin il est montré comment les différents appareils ne sont pas conçus pour durer longtemps (fil d’alimentation d’aspirateurs plus fins, cuves de machines à laver en plastique au lieu de l’inox). Un ingénieur ayant conçu des machines à laver affirme que ces produits sont prévus pour ne pas durer plus de 10 ans, même chose pour un ingénieur ayant œuvré dans le monde des téléviseurs.
Un autre reportage, de Cash Investigation cette fois, illustre le fait que certains fabricants (en l’occurrence Apple et Samsung) veulent empêcher la réparation en utilisant des composants non standards, aux formes particulières (Apple a changé les vis utilisées sur ses téléphones, et Samsung les condensateurs de ses téléviseurs).
Le fabricant HP revendique, à la suite d’une plainte, une durée de vie de 15 à 24 mois pour ses petits ordinateurs portables. Les consommateurs en étaient-ils réellement informés lors de l’achat ?
Les téléphones portables, quant à eux, sont renouvelés (quelle que soit la marque) tous les 22 mois aux États-Unis d’Amérique et tous les 31 mois en France. Un des secret d’un remplacement rapide réside dans la souscription à des abonnements offrant l’accès à des téléphones portables à des prix bien moins élevés que leur valeur réelle. La Finlande qui a longtemps interdit ce genre d’abonnements a un cycle de renouvellement des téléphones de plus de 6 ans ! Toujours sur les téléphones portables, une étude menée auprès d’étudiants suédois, montre que les étudiants changent principalement de téléphones en raison d’un mauvais fonctionnement du leur. On peut évidemment se demander à quel point le problème technique était insurmontable et si le remplacement était absolument nécessaire.
L’intérêt de l’obsolescence pour le fabricant est double : non seulement le produit sera moins coûteux, et donc plus attirant pour le client, mais en plus celui-ci aura une durée de vie moins longue ce qui augmentera son renouvellement.
L’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a produit un rapport en 2004, annonçant qu’une norme devrait être mise en place pour que soient annoncées les durées de vie des produits. En 2013, une telle norme n’est toujours pas en vigueur. Pression des lobbies ? Ne touchons pas à la croissance ! Continuons à gaspiller les ressources, pour le bien-être du PIB!
Notons enfin qu’après la crise de 1929, l’obsolescence programmée a été réclamée, étant vue comme un moyen de lutter contre le chômage ! C’est une vision on ne peut plus court-termiste, puisqu’une fois les ressources épuisées, le chômage n’explosera-t-il pas ?
Les débats sont lancés concernant la proposition de Loi du Sénateur JV Placé concernant l’Obsolescence Programmée et déjà s’élèvent des voix discordantes (pas forcément de là où on aurait pu le penser…) concernant des points comme le coût de la mesure.
Certes la proposition de Loi est loin d’être parfaite ou complète mais elle a le mérite d’être une base de réflexion et d’amélioration.
Quant aux coûts induits par la mise en œuvre de cette Loi… il conviendrait de les rapporter à celui de ne pas l’avoir déjà mis en œuvre: pertes d’emplois, traitement des déchets, etc.
Il est plus que souhaitable que les Citoyens responsables s’approprient cette proposition de Loi et surtout soient impliqués dans sa rédaction finale et les décrets d’application.
Merci de signer la pétition:
http://www.mesopinions.com/petition/politique/soutenir-proposition-loi-senateur-jv-place/10022